FURETIÈRE 1690

AUTOMATE. subst. masc. Terme des Mechaniques. Machine qui se remuë toute seule, qui a en soy le principe de son mouvement, comme une montre, une horloge à contrepoids, ou autres machines qui se meuvent par ressort. On prononce aftomate [1]; & ce mot est purement Grec. Descartes est d’opinion que les brutes [2] ne sont que des automates ; & cette opinion n’est pas nouvelle.

ENCYCLOPEDIE

AUTOMATE, sub. m. (Méchaniq.) engin qui se meut de lui-même, ou machine qui porte en elle le principe de son mouvement.[…]

Quelques auteurs mettent au rang des automates les instrumens de méchanique, mis en mouvement par des ressorts, des poids internes, &c. comme les horloges, les montres […] Voyez aussi RESSORT, PENDULE, HORLOGE, MONTRE, &c.

Le flûteur automate de M. de Vaucanson, membre de l’académie royale des Sciences, le canard, & quelques autres machines du même auteur, sont au nombre des plus célebres ouvrages qu’on ait vûs en ce genre depuis fort long-tems.

ACADEMIE 1762

AUTOMATE. s. m. Machine qui a en soi les principes de son mouvement. Une horloge est un automate. Quelques Philosophes prétendent que les bêtes ne sont que des automates. On le dit plus communément aujourd’hui des machines qui imitent le mouvement des corps animés. On dit figurément d’un homme stupide, que C’est un automate.

FERAUD 1787

Automate, machine qui a en soi le principe de son mouvement. « Le fameux automate de Vaucanson. » Descartes pensait que les bêtes ne sont que des automates. — Il est fort à la mode au figuré. Ce Père automate meurt, et il laisse à ses enfans son champ à partager également. COYER. Les riches, les Grands traitent le peuple comme s’il n’était qu’un composé d’automates.

LITTRÉ

AUTOMATE 1° Machine et, en particulier, machine imitant les êtres animés, qui se meut par ressorts. Les automates de Vaucanson.

2° Fig. Le sot est un automate, il est machine, LA BRUYERE. 11. Impuissantes machines, Automates pensants mus par des mains divines, VOLTAIRE. Discours 2. Il vous faut désormais, si vous avez un roi, Automates tremblants sous sa main protectrice, Respirer ou mourir au gré de son caprice, M. J. CHÉNIER, Timoléon, II, 6. Dans sa vie automate, l’habitude lui tient lieu de raison, J. J. ROUSSEAU. Émile. II.

L’évolution du mot « automate » entre le XVIIe et le XVIIIe siècle et sa connotation très péjorative résulte de deux éléments précis : la théorie des animaux-machines de Descartes et les inventions impressionnantes de Vaucanson. Le mot a partie liée, évidemment, avec la question de la sensibilité. Voir le mot VEGETER.

Féraud indique bien que le mot est à la mode en fin de siècle et les exemples que relève le Littré ont souvent des connotations politiques. Il me semble que c’est aussi le cas chez Mercier (il faudrait étayer ce point). Les exemples relevés chez Rétif dans Monsieur Nicolas sont plutôt dans le champ moral.

« Ce qui augmentait ma douleur, c’était le bonheur dont jouissait mon voisin de rang, le beau Mauger. cet homme, qui était un mauvais sujet, taquin, un peu ivrogne, avait une femme belle, laborieuse, économe, qui suppléait au gain de son mari par le sien. […] (Agnès Lebègue ! que vous étiez loin de cette épouse sublime !… Aussi, quand je comparais mon sort avec celui de l’automate Mauger, j’étais au désespoir !) MN II, 117.

« Le soir, à l’heure du souper, j’étais dans l’ivresse… (Ah ! quel sort digne d’envie !… Ne me plaignez pas, automates qui n’avez jamais rien senti ! ne vous avisez pas de me plaindre, parce que j’ai ensuite été malheureux et coupable ! parce que je languis infortuné, à soixante ans, privé de tout, sans espoir, sans consolation ! parce que tout mon bonheur était faux ! Il est vrai en ce moment, quoiqu’il ne doive pas s’accomplir… Ah ! j’aime cent mille fois mieux l’avoir senti, et l’avoir perdu, que d’avoir végété comme vous ! Automates, ne me plaignez pas ! Vous blasphémeriez le bonheur !…) » MN I, 638.

« Automate » : un mot-clef de la critique politique chez Louis-Sébastien Mercier

Dans le Tableau de Paris (1781-1789), l’automate est celui qui agit mécaniquement, comme vidé de toute conscience morale, satisfait de la répétition de ses gestes. La cible préférée de Mercier est le « commis-scribe » de la Ferme Générale, par qui transitent les fameux impôts indirects. Présent à toutes les barrières de Paris ( le mur murant Paris rend Paris murmurant), il est le représentant d’une organisation trop parfaitement huilée, qui met sa rationalité au service d’une politique néfaste. Le personnage inspecte méticuleusement les marchandises, multiplie les formalités, et se conforme aux horaires de fermeture avec une précision de pendule ; parfois, il y met d’ailleurs une paresse qui scandalise Mercier :

« Oh ! si Vaucanson avait fait tout de suite un commis-scribe, ce commis serait du moins exact avec le public, aux heures indiquées, poli, muet, et n’expédierait pas si lentement ce qu’on peut faire d’un trait de plume ».

Dans Le Nouveau Paris, les « tailleurs de plume » qui sévissent dans la bureaucratie thermidorienne sont encore affublés de l’image de l’automate [3], car Mercier les perçoit comme des ennemis insensibles à la misère des temps, et uniquement préoccupés de leur petite place.

L’automate est le repoussoir de la figure de l’homme sensible.

[1] ce fut la prononciation au XVIIe siècle, par contamination de la prononciation du grec moderne

[2] c’est-à-dire les animaux

[3] TP I, « Commis » p. 340-342 ; TP II, « Plumes de commis », p. 137-140 ; TP II, « Commis-scribes », p. 787-790 ; NP, « Tailleurs de plumes », p. 728-731.