Nerval et Rétif
Gérard de Nerval, Les Confidences de Nicolas, Histoire d’une vie littéraire au XVIIIe siècle, édition établie et présentée par Michel Brix, Editions du Sandre, 2008.
[Texte de la p. 4 de couverture]
Sous le titre Les Confidences de Nicolas, Gérard de Nerval consacre en 1850 une longue et remarquable étude à Rétif de La Bretonne (1734-1806), l’auteur du Paysan perverti, de Monsieur Nicolas et des Nuits de Paris. Dans son œuvre — la plus prolifique du siècle des Lumières —, Rétif avait fait le choix de raconter son existence « sans détours et sans voiles » et de supprimer tout filtre entre la vie et l’œuvre littéraire. La Révolution de Février 1848, toute proche encore au moment où Nerval écrit, venait de remettre en lumière ce curieux et audacieux écrivain, qui fut aussi un réformateur et un utopiste, annonciateur de Fourier et du communisme. Usant avec une totale liberté des textes autobiographiques laissés par son modèle, Nerval s’est appliqué à recomposer la vie de celui-ci, dans un portrait qui peut passer à beaucoup d’égards pour un Contre Nicolas, ou un Anti-Rétif. Compte moins ici le détail de la vérité historique que la réflexion à laquelle nous associe Nerval, sur la vie et sur l’art : « L’exemple de la vie privée et de la carrière littéraire de Rétif démontre que le génie n’existe pas plus sans le goût que le caractère sans la moralité. » Le constat vaut encore pour aujourd’hui.
Maître de recherches aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, à Namur (Belgique), Michel Brix est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages — essais et éditions —, consacrés aux écrivains français des XVIIIe et XIXe siècles.
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Compte Rendu
Michel Brix avait présenté lors du colloque sur Rétif et ses lecteurs (Poitiers, mai 2006) un état de ses recherches en cours sur « Nerval et Rétif de La Bretonne » (voir son article dans le n° 38 des Etudes rétiviennes). Il a publié depuis une édition critique des « Confidences de Nicolas », parues dans le recueil des Illuminés en 1852.
Ce texte magnifique est précédé d’une étude dans laquelle Michel Brix s’applique à rendre compte du projet d’un Nerval pour lequel « ce qui manqua toujours à Restif de la Bretone, ce fut le sens moral dans sa conduite, l’ordre et le goût dans son imagination » (p. 100). Pourquoi une telle sévérité à l’égard d’un auteur dont Gérard de Nerval se sent proche à maints égards ? Au-delà des critiques dont Rétif est l’objet en tant qu’homme et en tant qu’écrivain dans la première moitié du XIXe siècle, il semble que ce soit précisément l’identification de Gérard à Nicolas qui le pousse à une analyse sans complaisance de la vie et de l’œuvre du polygraphe. En démontant les mécanismes historiques et psychologiques qui ont conduit Nicolas à trahir les aspirations idylliques de sa jeunesse, Nerval réaffirme la nécessité du choix moral autant qu’esthétique tandis qu’il souligne sa propre lucidité en prêtant à Rétif une folie érotique dont celui-ci serait le jouet passif et inconscient.
Si « Les Confidences de Nicolas » constituent ainsi, comme le suggère Michel Brix, un témoignage capital sur Nerval lui-même, elles séduiront aussi les rétiviens qui auront plaisir à retrouver des épisodes majeurs ou mineurs de Monsieur Nicolas et du Drame de la vie passés au prisme d’une écriture poétique qui les nimbe d’un charme délicat et nostalgique.
Françoise Le Borgne